C’est donc là une issue heureuse pour la France ?
Vous conviendrez avec moi qu’il y a pire.
Est-ce une victoire de la Chine ?
Je ne vois pas les choses ainsi. Disons que le fait que Jade ait été élevée en Chine lui aura conféré des qualités dans lesquelles une majorité de Françaises et de Français se seront reconnus.
En quoi êtes-vous un « repenti » ?
Ma formation et mon parcours de vie m’y autorisent. Très jeune, je me suis retrouvé dans les premiers cercles du pouvoir, avant d’exercer des fonctions de direction générale dans l’industrie pharmaceutique ainsi que dans la presse. J’ai vécu de l’intérieur ce qui échappe à la connaissance du plus grand nombre de nos concitoyens. En l’an 2000, j’ai quitté ce monde pour devenir écrivain, et si j’ai accepté de «replonger dans le bain» de 2008 à 2013, en tant que commissaire général de la France à l’Exposition universelle de Shanghai, c’est parce que cela me rapprochait de la Chine et que j’avais la conviction que cette Exposition universelle serait la dernière du genre, tant par sa taille que par sa fréquentation.
Les élites auraient donc failli ?
Avec le temps et le recul, je me suis rendu compte de la responsabilité des élites politico-administratives et économiques dans la situation de notre pays mais également du monde. Est-ce volontaire de la part desdites élites? Pas forcément. Sinon, elles auraient fait en sorte d’empêcher la montée des populismes qui menacent désormais leur existence, que ce soit en Europe ou aux États-Unis. La rédaction de La Présidente m’a conforté dans mon intime conviction.
Les élites sont-elles les seules responsables des désordres du monde ?
Évidemment que non! L’histoire, dont je suis féru, nous enseigne que l’être humain est avant tout tributaire de l’invariant géographique (l’endroit où il vit), mais aussi de ces deux « éléphants dans la pièce » que sont la démographie et le changement climatique. Si on occulte ces facteurs – qui sont largement indépendants de notre volonté (y compris de celle des élites!) –, on passe à côté de l’essentiel et on a du mal à comprendre le monde actuel.
Et les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle ?
Ce sont évidemment des facteurs structurants de nos sociétés. Bien qu’ils abolissent les frontières, ils sont soumis aux aléas du changement climatique notamment parce que le coût d’accès à l’électricité va augmenter de façon exponentielle. Les gens raccordés au réseau électrique sont déjà en concurrence avec les serveurs. Il va falloir apprendre à gérer la rareté et certains arbitrages sont déjà douloureux. Et nous aurons toujours besoin de nous nourrir. En somme, malgré des progrès stupéfiants, rien de nouveau sous le soleil, depuis que l’homme est sur Terre.
Que représente ce livre pour vous ?
La Présidente est le livre d’une vie. La conception et l’écriture m’ont demandé près de quatre années de travail. J’ai voulu raconter la complexité de la nature humaine, son inextinguible soif de bonheur, son besoin d’absolu et ses quêtes spirituelles, en dépit des contingences matérielles qui s’imposent à tout être humain.
Je n’ai rien esquivé, de notre rapport à la violence et à la mort, de nos atavismes, de nos espoirs devant les nouvelles découvertes scientifiques, mais aussi de nos craintes, face au changement du climat et à la montée des périls, tant sanitaires que géopolitiques. Mais j’ai aussi imaginé une issue plus heureuse qu’il n’y paraît, Jade symbolisant la prise du pouvoir par la jeunesse et la prise en main de son destin par celle-ci.